Piochez les mots...
Lectures au cours de la randonnée des Rencontres sur le plateau.
"Partir de leurs histoires, leurs racines, leurs origines...pour arriver aux nôtres.
Partir
d'eux pour arriver à nous. Dérouler dès lors "le fil de soi"
L'arbre
démarre en terre, le tronc continue et renforce l'édifice
généalogique, et ces branches sont celles du devenir.
Si
l'ont renversait ce bâtiment, nous aurions accès à tout un monde
oublié, caché...
Mais
qui ici, à certains endroits, se révèleront et nous parleront du
passé.
Racines
cachées
Racines
oubliées
Racines
exilées
Racines
empruntées
Et
pour nourrir tout ce petit mondes des déracinés : racines à
déguster!
Chers
tous,
si
le pas vous en dit, nous parcourrons ensemble le chemin,
si
l'oreille vous emmène, nous viendrons deci delà vous dire,
et,
si le mot (et la main) vous entraînent, nous serons cueilleurs de
vos racines."
Cie De Travers
A l'assaut de l'île
Enracinez-vous
Faites-en
litière
Croquez
ses cailloux
Buvez
ses rivières
A
l'assaut de l'île
La
terre est devant
Sus
à l'an deux mille
Fleur
entre les dents
Rose
entre les dents
A
l'assaut de l'île
La
terre est devant
Sus
à l'an deux mille
Descends
de ta hune
Foutu
timonier
Hissez
haut la lune
Et
pas de quartier
Et
pas de quartier
Hissez
haut la lune
Chacun
son palmier
Chacun
sa chacune
Creusez
sous la plage
Inventez
de l'eau
Lancez
les cordages
Coulez
vos bateaux
Coulez
vos bateaux
Lancez
les cordages
Les
vents sont nouveaux
Tous
à l'abordage
Tenez
bon corsaires
Le
coeur à la main
C'est
l'anniversaire
De
nos lendemains
Coulez
vos bateaux
Lancez
les cordages
Les
vents sont nouveaux
Tous
à l'abordage
Tenez
bon corsaires
Le
coeur à la main
C'est
l'anniversaire
De
nos lendemains
De
nos lendemains
C'est
l'anniversaire
Deux
poignées de main
Pour
deux millénaires
Abaissez
les voiles
Bâtissez
des ponts
Abordez
l'étoile
Baissez
pavillon
Percez
pavillon
Abordez
l'étoile
Foutu
moussaillon
Esclave
de cale
Mangeons
cette terre
Cognons-y
genoux
Faites-en
litière
Enracinez-vous
Faites-en
litière
Croquez
ses cailloux
Buvez
ses rivières
A
l'assaut de l'île
La
terre est devant
Sus
à l'an deux mille
Fleur
entre les dents
A
l'assaut de l'île
La
terre est devant
Sus
à l'an deux mille
Fleur
entre les dents
A.Leprest/R.Didier
Un homme qui dort
"Ici
tu apprends à durer. Parfois, maître du temps, maître du monde, petite araignée
attentive au centre de la toile, tu règnes sur Paris : tu gouvernes le
nord par l'avenue de l'Opéra, le sud par les guichets du Louvre, l'est et
l'ouest par la rue Saint-Honoré
Parfois,
tu tentes de résoudre l'énigmatique visage qu'ébauche peut-être le jeu complexe
des ombres et des gerçures sur un fragment du plafond, yeux et nez, ou nez et
bouche, front que nulle chevelure n'arrête, ou bien le dessin précis de
l'ourlet d'une oreille, l'amorce d'une épaule et d'un cou.
Il
y a mille manières de tuer le temps et aucune ne ressemble à l'autre, mais
elles se valent toutes, mille façons de ne rien attendre, mille jeux que tu
peux inventer et abandonner tout de suite.
Tu as
tout à apprendre, tout ce qui ne s'apprend pas : la solitude,
l'indifférence, la patience, le silence. Tu dois te déshabituer de tout :
d'aller à la rencontre de ceux que si longtemps tu as côtoyés, de prendre tes
repas, tes cafés à la place que chaque jour d'autres ont retenue pour toi, ont
parfois défendue pour toi, de traîner dans la complicité fade des amitiés qui
n'en finissent pas de survivre, dans la rancœur opportuniste et lâche des
liaisons qui s’effilochent."
Commentaires de dessins
« Je
me souviens dans une existence perdue avant de naître dans ce
monde-ci avoir pleuré fibre à fibre sur les cadavres dont les os
poussière à poussière se résorbaient dans le néant. Ai-je connu
leur anatomie ? Non, j'ai connu l'être en lambeau de leurs âmes
dans chaque petit os de poussière qui gagnait les ténèbres
premières et de chaque petit os de poussière j'ai eu l'idée dans
la musique sanglotante de l'âme de rassembler un nouveau corps
humain.
Ce
dessin représente l'effort que je tente en ce moment pour refaire
corps avec l'os des musiques de l'âme telle que gisant dans la
pandore boîte, os soufflants hors de leur boîte, et dont
l'emboîtage des terres boîtes, mousse sur mousse appelle l'âme
toujours clouée dans les trous des deux pieds. Boîte sur boîte
l'âme a monté dans la chair adipeuse des jambes, que le corps du
souci pointille de rouge, comme les marques d'un sang par des
sanglots craché. – Ainsi l'os dans la chair est vivant, non d'une
musique d'atomes, mais du rythme canon spasmodique, d'un canon
toujours armé en guerre et qui toujours se sent près de tonner dans
l'écorchure de son cœur. Que tonnera-t-il ? La dent du coccyx
appuyée comme une vielle dent qu'enracine sa rage contre l'humanité.
Il
y a un être dans mon cœur, il y en a un dans chaque épaule et mon
cœur de sa racine propre, verte avec deux têtes monte et descend.
Couti
en grec veut dire boîte ; d'arbac, de l'arbre de la vie,
qui arbac par arbac comme arbre par arbre, ira cata
scata au bout de toute scatologie, et couti d'arbac arbac cata
les os de toute âme sema. »
ARTAUD
Antonin, « Commentaires de dessins », in Œuvres,
éd. Gallimard, coll. « Quarto », Paris 2004 (1945)
.
Des couteaux dans les poules
William.
Avant,
je m'étendais là et les chevaux broutaient lentement autour de moi.
Une fois j'ai regardé et tout ce qui est mon corps était parti le
dedans dehors. Tout ce qui est moi sur un cercle d'herbe en dehors.
Rouge. Mouillé. Cœurs de lapins noués avec de la salive de vache.
En ai jamais rien dit. Des nuages sortaient de moi pareil à quand
j'ai tiré un nouveau cheval dehors en décembre. Presque parti
maintenant, ça. Avant qu'il fasse sombre je les ai rentrés, en bas
du village aux écuries, avec ce champ encore dans ma tête. Pourquoi
ça m'est venu ? Etais qu'un enfant. Aurais pu vivre dans ce
champ-là toute ma vie s'ils m'avaient laissé. La boue pue.
Jeune
femme.
Le
vent souffle . Le soleil brille. Les moissons grandissent. Le
ciel – … L'oiseau – vole. Les nuages – … L'arbre... Quoi ?
Se dresse. L'arbre se dresse. Le ciel – … Le ciel – … Le
lapin court. Les nuages – … courent ? … grandissent ?
Les feuilles sur l'arbre – … pendent ? Le ciel – … Le
ciel – …
HARROWER
David, Des couteaux dans les poules, éd. L'Arche, Paris 1999
(1995).
Histoire d'un voyage faict en la terre du brésil
« Combien
que ces farines, nommément quand elles sont fraisches, soyent de
fort bon goust, de bonne nourriture et de facile digestion :
tant y a neantmoins que comme je l'ay experimenté, elles ne sont
nullement propres à faire pain. Vray est qu'on en fait bien de la
paste, laquelle s'enflant comme celle de bled avec le levain, est
aussi belle et blanche que si c'estoit fleur de froment : mais
en cuisant, la crouste et tout le dessus se seichant et bruslant,
quand ce vient à couper ou rompre le pain, vous trouvez que le
dedans est tout sec et retourné en farine. Partant je croy que celuy
qui rapporta premierement que les indiens qui habitent à vingt deux
ou vingt trois degrez par-dela l'Equinoctial, qui sont pour certain
nos Toüoupinambaoults, vivoyent de pain fait de bois gratté :
entendant parler des racines dont est question, faute d'avoir bien
observé ce que j'ay dit, s'estoit equivoqué.
Neantmoins
l'une et l'autre farine est bonne à faire de la boulie, laquelle les
sauvages appellent Mingant,
et principalement quand on la destrempe avec quelque bouillon gras :
car devenant lors grumeleuse comme du ris, ainsi apprestée elle est
de fort bonne faveur. »
Les
grands horizons
Où sont
nos jambes à nos cous
Nos
tire-d'ailes, nos 400 coups
Nos
Sahara de bacs à sable
Nos
petites danseuses arabes
Où sont
les nuages goulus
Qui
déboulaient sur les talus
Comme
des troupeaux de bisons ?
Où sont
nos mappemondes vierges
Nos
frissons, nos festins de neige
Nos
à-plus-soif, nos fronts têtus
Toutes
nos brides rabattues
Où sont
nos ratures ou sont-elles
Nos
cicatrices immortelles
Les
fissures de nos prisons
Où sont
les grands horizons?
Où sont
nos zéros de conduite
Nos
lassos, nos lignes de fuite
Nos
pertes de vue et d'haleine
La
cantine bleue des baleines
Nos
espadrilles de sept lieues
Quand on
jouait à saute-banlieue
Vers nos
ages de déraison ?
Où sont
nos voiles et où sont elles
Nos
banderoles de dentelles
La face
cachée de nos yeux
Et nos
Vésuve silencieux
Nos
rages et nos à-bout-de-souffle
Qui donc
a tricoté des moufles
Sur nos
points d'interrogation ?
Où sont
les grands horizons?
Peut-être
on était pas de taille
On est
passé entre les mailles
Ou bien
on n's'est pas aperçu
Que
notre orgueil marchait dessus
A moins
que nos dernières boussoles
Désossées
au dernier sous-sol
Sucent
les racines du gazon
Faudrait
pas recoudre les trous
Du fond
des poches de Rimbaud
Faudrait
q'on s'aime, qu'on s'ébroue,
Et qu'on
se trouve un peu moins beaux
Sur la
peau grise des pavés, hisser haut
Le verbe
rêver
Jusq'aux
cils de nos maisons
Hissons
les grands horizons
Mon pays est Caux
"Des
rivières de verdure qui voudraient s'affranchir de tout.
Rire,
encore et toujours le long des rus.
Se
moquer de nos voitures embourbées.
Un
paysage aussi tendre que dur équivalant à toutes les mers du monde.
Des
champs pour plages.
Des
notes de gris de bitume enlacent la douceur abrupte du coin.
Un
arbre ou 2 pour arrêter la pluie on vous l'a dit.
Les
anciens boivent et on tête not'goutte à leurs paroles.
Le
cidre délie mais ça n'est pas un crime.
Plus
de calva' dans les biberons, on est pas de là-bas et on a grandit…
Je
sais que j'y suis, j'essuie.
Et
là je sais que j'y suis.
Goupil Charlotte
Goupil Charlotte
Bloody Niggers
[...]
Civilisation, démocratie, droits de l’homme
Trois fois rien
Trois coups d’esbroufe et de magie
Trois fois la haine et le mépris
Trois fois le silence et le déni
Trois millions de mille ballons
Marre
De cette salade trop verte
Marre
Civilisation, mon œil
Démocratie, mon doigt
Droits de l’homme, mon poing dans la gueule
Pour trois mille américains
Cris et hurlements
Deuil international et châtiment planétaire
Pour des centaines de milliers de Soudanais, rien
Pour des centaines de milliers de Tchétchènes, rien
Pour des centaines de milliers d’Algériens, rien
Pour un million d’Irakiens affamés, que dalle
Pour un million de Rwandais égorgés, rien
Trois fois rien
Des vessies, des ballons, des bulles de savon
Trois millions de fois le mépris planétaire
Droits de l’homme, bonjour
Que veulent dire ces mots dans la bouche de ceux qui ne pleurent que les leurs ?
Quel sens ont-ils pour ceux que n’indignent que les crimes d’en face ?
C’est quoi les droits de l’homme quand on est à ce point sourd au sort d’autrui ?
Liberté, égalité, fraternité
Surdité, anesthésie, amnésie
A quoi servent ces rimes creuses qui rythment vos messes
Vos leçons bon marché pour la terre entière
Liberté, mon œil
Egalité, toi-même
Fraternité, ma main sur ta tronche
Je t’extermine, je t’asservis, je te civilise
Je te pille, je t’affame, je te bombarde, je te démocratise
Tu pètes un mot, je t’éclate et j’hiberne
Silence
Droits de l’homme ? Mon doigt
Où sont dans vos larmes les peuples indiens ?
Où sont dans vos commémorations les millions d’esclaves africains ?
Où sont dans vos livres et dictionnaires épais les crimes coloniaux ?
Où sont dans vos rues, sur vos monuments les combattants de la liberté ?
Où sont les marrons magnifiques qui soulevaient la montagne ?
Où sont passés, dans les colonnes de vos journaux, les Algériens massacrés sous vos yeux
Sur les bords de la Seine en soixante et un, en plein Paris ?
Rien
Des vessies, des ballons, des bulles de savon
La France officielle – c’est son châtiment symbolique
Adore se mettre en scène avec la morgue d’une actrice en fin de carrière
Dont la croupe trépidante est sollicitée par des talons aiguilles
Dont la poitrine surabondante menace d’exploser au prochain pet
Qui cligne sur des photographes en pamoison des yeux dégoulinants de mascara
Pour dire d’une bouche contrefaçon gorgée de collagène
Je suis la plus belle
Vous les Nations dites civilisées
Comment vous suivre dans votre guerre contre la terreur
Quand vous masquez votre terreur
Que vous relativisez vos crimes
Que vous les classez sans suite
Oui, on sait tout cela dites-vous, oui ceci, oui cela
Le massacre des Indiens, l’esclavage des Noirs
Tout ça c’est du passé et alors
Et alors ?
Alors quel avenir
Quel avenir ensemble si ce passé-là vous laisse de marbre ?
Quelle conscience peut émerger d’une telle amnésie ?
Quel Bien attendre d’une oreille aussi sourde ?
Trois fois rien
Trois coups d’esbroufe et de magie
Trois fois la haine et le mépris
Trois fois le silence et le déni
Trois millions de mille ballons
Marre
De cette salade trop verte
Marre
Civilisation, mon œil
Démocratie, mon doigt
Droits de l’homme, mon poing dans la gueule
Pour trois mille américains
Cris et hurlements
Deuil international et châtiment planétaire
Pour des centaines de milliers de Soudanais, rien
Pour des centaines de milliers de Tchétchènes, rien
Pour des centaines de milliers d’Algériens, rien
Pour un million d’Irakiens affamés, que dalle
Pour un million de Rwandais égorgés, rien
Trois fois rien
Des vessies, des ballons, des bulles de savon
Trois millions de fois le mépris planétaire
Droits de l’homme, bonjour
Que veulent dire ces mots dans la bouche de ceux qui ne pleurent que les leurs ?
Quel sens ont-ils pour ceux que n’indignent que les crimes d’en face ?
C’est quoi les droits de l’homme quand on est à ce point sourd au sort d’autrui ?
Liberté, égalité, fraternité
Surdité, anesthésie, amnésie
A quoi servent ces rimes creuses qui rythment vos messes
Vos leçons bon marché pour la terre entière
Liberté, mon œil
Egalité, toi-même
Fraternité, ma main sur ta tronche
Je t’extermine, je t’asservis, je te civilise
Je te pille, je t’affame, je te bombarde, je te démocratise
Tu pètes un mot, je t’éclate et j’hiberne
Silence
Droits de l’homme ? Mon doigt
Où sont dans vos larmes les peuples indiens ?
Où sont dans vos commémorations les millions d’esclaves africains ?
Où sont dans vos livres et dictionnaires épais les crimes coloniaux ?
Où sont dans vos rues, sur vos monuments les combattants de la liberté ?
Où sont les marrons magnifiques qui soulevaient la montagne ?
Où sont passés, dans les colonnes de vos journaux, les Algériens massacrés sous vos yeux
Sur les bords de la Seine en soixante et un, en plein Paris ?
Rien
Des vessies, des ballons, des bulles de savon
La France officielle – c’est son châtiment symbolique
Adore se mettre en scène avec la morgue d’une actrice en fin de carrière
Dont la croupe trépidante est sollicitée par des talons aiguilles
Dont la poitrine surabondante menace d’exploser au prochain pet
Qui cligne sur des photographes en pamoison des yeux dégoulinants de mascara
Pour dire d’une bouche contrefaçon gorgée de collagène
Je suis la plus belle
Vous les Nations dites civilisées
Comment vous suivre dans votre guerre contre la terreur
Quand vous masquez votre terreur
Que vous relativisez vos crimes
Que vous les classez sans suite
Oui, on sait tout cela dites-vous, oui ceci, oui cela
Le massacre des Indiens, l’esclavage des Noirs
Tout ça c’est du passé et alors
Et alors ?
Alors quel avenir
Quel avenir ensemble si ce passé-là vous laisse de marbre ?
Quelle conscience peut émerger d’une telle amnésie ?
Quel Bien attendre d’une oreille aussi sourde ?
Extraits de BLOODY NIGGERS de Dorcy Rugamba
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